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Claude Rix sur LSP
grâce au Marquis de Saint-Loup

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Reims, en ce samedi enneigé, j'ai rendez-vous avec Claude Rix pour un entretien privilégié. Magicien discret ayant côtoyé de très près les plus grands prestidigitateurs du monde et connaissant parfaitement le milieu magique contemporain, Claude Rix a bien voulu nous détailler son parcourt magique hors de commun.

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Lionel : Bonjour Claude, merci de répondre à mes questions, je suis certain que cela fera plaisir aux visiteurs de LSP. Pour ceux qui ne vous connaissent pas ou mal, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Claude : Et bien je m'appelle Claude Rix, comme une bagarre mais sans " e ". J'aime la magie depuis mon plus jeune âge. Toutes les magies, les grandes illusions, la magie de salon et le close-up.

Lionel : Rix est un pseudonyme, d'où vient-il ?

Jean-Luc : Quand j'étais gamin, j'avais la folie des grandeurs et je m'étais dit que sur une affiche, plus le nom était court, plus on pouvait l'imprimer gros (rire). Donc, au départ, j'avais choisi Wyx, mais je me suis ravisé et me suis décidé pour Ryx. On pouvait difficilement faire plus court. Puis, sur ma première affiche, l'imprimeur s'est trompé et Rix était écrit avec un " i " à la place du " y ". Je me suis dit que c'était rudement mieux !
A un moment, on m'a dit que Rix, c'était beaucoup trop court, alors, j'ai ajouté mon prénom. Ça a donné Claude Rix. Si c'était à refaire, je garderais mon vrai nom, à savoir, Claude Albert. Mais bon… La jeunesse…

Lionel : Par quoi avez-vous commencé en magie ?

Claude : Par la magie générale et la manipulation. Ensuite, je me suis intéressé aux grandes illusions. Je faisais la malle des Indes, la cabine spirite, la suspension éthéréenne. Tout cela avec mon épouse. Aujourd'hui, elle est en retraite, donc, j'ai arrêté et je ne fais plus que de la magie rapprochée (rire). Le close-up comme on dit.

Lionel : Actuellement, comment se rythme votre vie de magicien ?

Claude : Et bien, je ne fais donc que de la magie rapprochée ou de la magie de salon.
Honnêtement, je pense qu'à un âge certain, il est un peu indécent de se produire sur scène. Il faut savoir raccrocher. Dans le même esprit, je n'insiste jamais pour décrocher une prestation. Si on me veut, on me demande. J'ai la chance d'être encore sollicité, je trouve cela étonnant, mais tant que ça dure, je continue.

Lionel : Comment abordez-vous votre spectacle de close-up ?

Claude : Je commence toujours ma prestation par quelques tours de salon afin d'établir le contact avec le public. Je conclus cette session en disant "Tout cela c'était loin, mais je vais maintenant me rapprocher de vous." Comme cela, lorsque j'arrive à la table pour le close-up, le contact est déjà établi, les spectateurs savent qui je suis et pourquoi je viens.
En salon, je fais souvent les anneaux. La routine de Dai Vernon. D'ailleurs, dans mon texte, j'annonce toujours le fait que je fais la routine "du feu Daï Vernon, grand magicien américain". Les gens ne savent pas qui est Vernon, mais au moins, je cite son nom. En plus, ils se disent "Si ça vient des Etats-Unis, ça doit être rudement bien !" (rire). Ça reste un des magiciens pour lequel j'ai le plus d'admiration.

Lionel : L'avez-vous déjà rencontré ?

Claude : Mais oui ! Assez souvent d'ailleurs.

Lionel : Comment s'est passée la première rencontre ?

Claude : C'était au Magic Castle. J'avais un contrat de huit jours dans ce lieu de Los Angeles. Ça n'a rien d'extraordinaire mais j'avoue que je suis assez fier de cela. En plus des prestations, mon contrat stipulait que je devais faire une série de conférences. Et, au premier rang, lors de la première conférence, qui vois-je ? Dai Vernon en personne ! Je me suis mis à trembler. J'ai eu un trac fou. Qui plus est, je commençais par une de ses routines de pièces que j'avais modifiée. Je faisais ses Kangaroo Coins mais j'avais ajouté une coquille intermédiaire.
Il fallait bien que je la fasse cette conférence, alors, je me suis lancé. Ça ne s'est pas mal passé du tout. Je me souviens que je présentais également un bonneteau classique. A la fin, comme Vernon était content, il est venu me voir et m'a donné une astuce que j'utilise encore aujourd'hui pour cette routine. Je pense à lui à chaque fois que je présente ce tour.
Ensuite, je l'ai revu souvent en Europe. J'ai même été chargé par Philippe Fialho de la mission difficile d'empêcher Dai Vernon de boire avant une conférence qu'il devait donner à Liège. Mission impossible d'ailleurs, j'ai vite abandonné (rire).

Lionel : Vous avez fait le choix de ne pas devenir magicien professionnel. Pourquoi ?

Claude : Aujourd'hui, je ne fais que cela mais c'est vrai que je ne suis pas devenu professionnel. J'ai failli, mais grâce à mes parents, je ne l'ai pas fait. Mon père avait un magasin d'optique. Il m'a laissé le choix en me disant malgré tout que le magasin m'était destiné. J'ai estimé qu'il avait raison. J'ai abandonné la magie pour passer mon diplôme. Une fois obtenu, et comme mon père était encore assez jeune pour tenir le magasin quelques années, je lui ai dit que je me laissais quelque temps pour faire le tour du monde afin de me consacrer à la magie. Cela a duré cinq ou six ans et je suis revenu à Reims pour reprendre le magasin, comme je l'avais promis à mon père.
Je suis donc devenu ce que l'on appelle semi-professionnel. Je me suis toujours fait payer. Malgré ce que disent certains professionnels, je n'ai pas eu l'impression de leur enlever le pain de la bouche. C'est souvent le reproche que l'on fait aux magiciens semi-professionnels. Mais, disons-le, ce reproche est souvent formulé par des magiciens sans grand talent.

Lionel : Donc, ce tour du monde était rythmé par la magie et les voyages...

Claude : Oui, c'est cela. J'ai fait également beaucoup de congrès grâce à mes prix à la FISM. Ça m'a ouvert les portes des clubs. Sans compter les contrats sur Le France. On voyageait gratuitement, en première classe, et on devait faire deux galas. Un pour l'aller, l'autre pour le retour. De temps en temps, je sautais un retour et je restais sur place pour faire mes conférences ou des galas de congrès américains.

Lionel : Comment a débuté votre passion pour la magie ?

Claude : J'ai commencé pendant la guerre, sous l'occupation avec les livres de Barbaud. Ensuite, après la guerre, je suis rentré à L'AFAP en faisant mes études à Paris.
C'était ma seule motivation pour aller à Paris. J'ai convaincu mes parents que j'y travaillerai mieux, mais le but était de passer mon examen d'entrée à l'AFAP. C'était très difficile de trouver des sources d'information à l'époque.
Au début, j'étais intéressé par la manipulation, mais je me suis également lancé dans les grandes illusions. C'est une branche de la magie très intéressante. De plus, commercialement, c'est vrai que les grandes illusions étaient un domaine plus porteur.

Lionel : Dans quelles circonstances avez-vous obtenu votre tout premier prix à la FISM ?

Claude : C'était lors de la FISM de 1958, à Vienne. Je présentais mon numéro avec les bols et les tomates. Le final était l'apparition de deux perruches sous les bols.
J'avais décidé de me présenter à ce concours sans vraiment avoir la conviction de pouvoir remporter quoi que ce soit. En plus, c'était un numéro parlant, en trois langues. Français, allemand et anglais. Chaque passe était dans une langue différente. Ça rajoutait à la difficulté. J'ai préparé le concours malgré tout avec beaucoup de sérieux, mais sans trop d'espoirs.
Gagner un prix me semblait tellement improbable que j'y suis allé assez détendu. Et c'est vrai que tout s'est très bien passé. Déjà, rien que pour ça, j'étais très content. Ma prestation avait été appréciée aussi bien par le jury que par le public. Quand mon nom a été cité lors du palmarès, j'ai été totalement tétanisé. Cela m'a fait un plaisir fou. Certainement le plus beau souvenir de ma vie de magicien.

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Une des routines qui a rendu Claude Rix célèbre. Les bols, les tomates et les perruches. Cette routine, en trois langues, lui a valu le 2ème prix de manipulation à la FISM de Vienne, en 1958.
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Lionel : Quels ont été vos maîtres à penser en magie ?

Claude : J'ai déjà cité Dai Vernon que j'ai connu dans les livres au départ. C'était la référence absolue en magie de close-up. Mais j'avoue que celui qui m'a le plus impressionné est Fred Kaps. J'ai eu la chance de devenir son ami en plus de la magie. Ce magicien m'hypnotisait. Quand il faisait quelque chose, je ne comprenais pas toujours, mais quand il faisait un tour que je comprenais, il le faisait tellement bien, tellement mieux que n'importe qui d'autre, que ça devenait incompréhensible et totalement magique. En plus, c'était un magicien qui touchait à tout en dehors des grandes illusions. Bien sûr, tout le monde savait qu'il était impossible de lui arriver à la cheville, mais le but n'était pas de lui ressembler ou d'essayer de lui ressembler, c'est toujours ridicule d'agir ainsi, mais simplement de comprendre sa magie, son fonctionnement, pour en tirer quelque chose de personnel.
Ensuite, si je devais citer ceux qui m'ont vraiment influencé en magie, qui ont remis en cause tout ce que je pensais, c'est Channing Pollock et Tony Slydini.

Lionel : Commençons par Channing Pollock. Que vous a-t-il apporté ?

Claude : La première fois que je l'ai vu, c'était à Bruxelles. J'étais très lié avec Klingsor à l'époque et nous avons assisté à son numéro dans lequel il produisait des colombes. C'était une première absolue. Personne n'avait jamais fait cela auparavant. Aujourd'hui, tout le monde le fait, mais à l'époque, c'était totalement nouveau. Nous sommes retourné au spectacle le lendemain en louant des places totalement ex-centrées au premier rang, des places dont personne ne voulait, mais qui, pensions-nous, nous permettraient de voir les prises. Pourtant, même dans ces conditions, on n'a rien compris.
Nous avons passé une soirée avec lui le lendemain. C'était un homme adorable, remarquable close-up man, très simple, et pourtant, il était en train de révolutionner la magie.

Lionel : Et Slydini ?

Claude : C'était encore à Bruxelles. Ma première rencontre avec lui s'est passé lors d'une conférence. Il faisait disparaître des objets d'une façon absolument invisible. J'étais subjugué. Après sa démonstration, il a tourné la table, et il a refait le même numéro de coté. On voyait donc tous les lappings. Vraiment incroyable. Pour finir, il a refait le numéro une troisième fois, mais de face, et malgré le fait que l'on connaissait le truc, tout redevenait invisible. L'illusion était parfaite.
Par la suite, je suis devenu très ami avec lui. Je le voyais quand j'allais à New-York avec Le France. Et au final, il est devenu mon professeur. Cela a été une grave erreur car il m'avait dressé tel un singe. Je singeais Slydini mais ça ne pouvait pas fonctionner ! Ma femme, ma partenaire en magie à l'époque, m'a conseillé d'arrêter car ça ne me correspondait pas du tout. Je suis donc redevenu moi-même mais imprégné des conseils de Slydini.
Voilà pour ceux qui m'ont vraiment influencé. Par contre, il ne faut pas que j'oublie Ludow qui est mon parrain en beaucoup de choses. Un grand ami que j'ai connu à Paris et qui m'a toujours donné de précieux conseils. Enfin, avant tout cela, lors de mes tout débuts, c'est Rezvani qui m'a beaucoup influencé. Il était Persan et c'est lui qui a popularisé la routine des perles d'ivoire et des tomates.

Lionel : Vous semblez avoir un regard détaché sur le monde magique. Que vous inspire les tensions propres à ce milieu ?

Claude : Cela me fait doucement rigoler. J'essaye de ne pas me mêler de tout cela. C'est un milieu dans lequel certains manquent d'humilité. Dans beaucoup de milieux, plus on est talentueux, plus on est proche des gens et accessible. Je remarque que ce n'est pas toujours le cas en magie. Certains magiciens sont vraiment présomptueux. C'est dommage.
Un peu de simplicité que diable (rire) !

Lionel : Quel est votre meilleur souvenir de prestation ?

Claude : Je vais plutôt, si tu veux bien, t'expliquer mon pire souvenir car je crois qu'il est riche d'enseignements.
Je faisais un tour enfantin avec des cartes que l'on déchire. Une chose vraiment simple et totalement automatique. Je ne fais plus ce tour devant les magiciens aujourd'hui car, s'ils me voyaient le faire, ils le mettraient dans leur répertoire (rire). J'ai honte parfois de faire un truc aussi simple.
Donc, j'étais tellement sûr de moi, qu'avant d'arriver à la table, j'avais bu quelques verres. Si des amis lisent cet entretien, ils savent parfaitement que ce n'est pas du tout mon habitude (rire) ! D'ailleurs, je ne comprends toujours pas pourquoi on m'a surnommé "Claude Sponge"... Peut-être vont-ils pouvoir enfin m'expliquer (rire) !
J'arrive donc à la table et je commence mon tour. Est arrivé ce qui devait arriver, je me trompe. L'horreur. J'essaye de me rattraper tant bien que mal et je continue en faisant un change de jeu contre un Svengali. Persuadé d'avoir le jeu truqué en main, je force la carte, mais, décontenancé, je m'étais trompé dans le change. J'avais repris le premier jeu au lieu du Svengali ! Deuxième ratage à la même table. Le cauchemar. Pour finir, devant retrouver une carte impossible à localiser, je demande l'identité de cette carte. Je regarde alors le jeu et je dis pour me rattraper : "mais elle n'est plus dans le jeu !" J'empalme la carte en question, je fais un éventail et je lance le jeu en l'air faisant mine de l'attraper. Enfer ! J'avais empalmé la carte d'à coté, c'était encore la mauvaise ! En retombant, les cartes se répandent dans les assiettes de crème des spectateurs (rire) !
Je n'ai jamais eu aussi honte de ma vie ! Ça a été une grande leçon. Rien n'est jamais gagné d'avance.
Sinon, bien sûr, j'ai d'excellents souvenirs, mais je préfère donner cette anecdote qui me paraît plus riche.

Lionel : Parlons maintenant d'une technique qui vous a rendu célèbre et qui a été le thème d'un de vos livres : Claude Rix et ses 52 Partenaires, à savoir, le chapelet. Comment est venue cette attirance pour cette technique ?

Claude : Je ne suis pas un cartomane. Bien sûr, j'ai étudié les techniques de la cartomagie, mais celles que j'utilise sont très basiques. Pourtant, je n'ai pas honte de passer après un grand technicien aux cartes. La technique du jeu mémorisé permet des choses incroyables, très diversifiées et avec un impact très fort sur le public.

Lionel : Votre chapelet est-il totalement personnel ?

Claude : Absolument. D'autant plus que j'ai fait l'erreur, au moment où je me suis lancé dans cette technique, de mélanger un jeu et d'apprendre le résultat de mon mélange. C'est vraiment l'erreur à ne pas commettre. Mon chapelet n'a donc pas de propriétés cachées.
Ce qui est amusant, c'est que dans ce livre écrit par Hervé Pigny, j'ai inventé un chapelet avec des propriétés cachées, notamment la possibilité de finir sur la routine de tricherie de Dai Vernon. Je suis donc peut-être le seul magicien à avoir créé un chapelet que je ne pratique pas (rire) !
Cela dit, je m'en suis pas mal sorti avec mon chapelet personnel. De toute façon, je n'avais pas le choix, car revenir en arrière et apprendre un chapelet totalement nouveau est une chose très difficile. Pas impossible mais vraiment difficile. Les risques d'erreur et de mélanger les deux chapelets sont trop grands.
Par contre, je suis content d'avoir suivi le conseil de Maurice Gauthron, à savoir, choisir un jeu de 52 cartes. C'était après la guerre, les jeux américains commençaient tout juste à être diffusés sur le marché européen. Après leur généralisation, beaucoup de très grands magiciens, dont Fred Kaps, ont arrêté le chapelet du fait que le leur ne contenait que 32 cartes.

Lionel : Pourquoi ne pas avoir choisi un chapelet déjà existant ?

Claude : C'est vrai qu'il en existait déjà un certain nombre comme celui de Nikola mais qui incluait des routines de cartes épellées en anglais non transposables en français. De plus, je voulais un chapelet apériodique avec un jeu réellement mélangé. Il faut dire aussi, qu'à l'époque, il n'y avait pas autant de littérature que cela sur le sujet.

Lionel : Que pensez-vous des apports de Simon Aronson dans ce domaine ?

Claude : Ils sont excellents ! Je ne peux que recommander ses livres.

Lionel : Quelles sont les techniques les plus indissociables du monde du chapelet ? Avez-vous recours à la technique de la carte à l'oeil, aux faux mélanges, aux changes de jeu par exemple ?

Claude : Un chapelet sans faux mélange n'est plus un chapelet. C'est une évidence d'ailleurs. Le faux mélange est le complément indispensable du chapelet. Je ne me suis pas attardé sur les techniques dans mon livre. Juan Tamariz le fait très bien dans son Mnemonica d'ailleurs. On peut appliquer toutes les techniques traditionnelles au chapelet bien entendu. Le spead cull par exemple, que j'utilise beaucoup. Le change de jeu a en effet son utilité. C'est une technique recommandée.

Lionel : Quel est votre faux-mélange préféré ?

Claude : Celui que j'utilise le plus est le Charlier. Mélange paysan comme on dit. La raison principale, c'est qu'il y a beaucoup de tours dans le chapelet qui se rapprochent du mentalisme. Faire un riffle shuffle pour ce style de routines m'ennuie car je ne veux surtout pas insinuer l'idée que je suis un manipulateur de cartes. Les cartes ne sont qu'un support pour développer la magie. Le mélange Charlier est simple à réaliser mais il ne faut pas le faire n'importe comment pour que l'illusion du mélange soit parfaite. Certains magiciens le font avec le jeu totalement à l'horizontale mais je ne trouve pas l'illusion convaincante, on voit les coupes. Par contre, si on le fait en tournant légèrement les mains vers soi de façon à ce que le public ne voit pas les tranches mais les faces des cartes, cela devient insoupçonnable.
Sinon, je pratique aussi le faux-mélange au pelage. Si je suis dans un tour axé sur la manipulation, j'abandonne bien sur le Charlier pour un riffle ou même le dernier Faro qui permet de remettre en ordre son chapelet. Là, l'illusion est parfaite dans la mesure où le jeu est réellement mélangé.

Lionel : Utilisez-vous des techniques complémentaires comme le marquage ou des cartes clés en plus du chapelet ?

Claude : Tout à fait. J'ai développé le thème du marquage dans mon livre. D'ailleurs, Tamariz a la gentillesse de me citer dans Mnemonica à propos du marquage. Il explique qu'il a beaucoup d'admiration pour les tours que j'ai montés avec combinaison de chapelet et de marquage. Notamment le tour de la carte épelée sans connaître la carte choisie et dans une langue qu'on ignore. C'est miraculeux. Les possibilités deviennent vraiment incroyables.
En ce qui concerne les clés, en effet, j'utilise ce principe. Cela me fait penser à Wolf, magicien italien, qui est une référence dans ce domaine.

Lionel : Combien de temps faut-il pour maîtriser un chapelet ?

Claude : Cela dépend des personnes mais c'est vrai que cela demande de l'effort. Il ne faut vraiment avoir aucune hésitation quand on travaille le chapelet. Si on hésite, c'est qu'on ne connaît pas son jeu suffisamment.
Cela dit, quand on regarde le temps qu'il faut pour maîtriser une donne en second dans les règles de l'art, on se dit que ce n'est pas moins long que pour l'apprentissage d'un chapelet. C'est une question de choix. Si en plus, on réussi à combiner une grande technicité avec la maîtrise du jeu mémorisé, on s'ouvre la porte à de véritables miracles. Juan Tamariz a réussi cet exploit.

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Spécialiste français du chapelet, Claude Rix aime toutes les formes de magie. De la grande illusion au close-up.
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Lionel : Quel chapelet conseillez-vous ?

Claude : La question n'est pas facile. En fait, quand on me la pose, je donne les alternatives suivantes. Je pense sincèrement que le chapelet que je décris dans Claude Rix et ses 52 Partenaires est intéressant. Après l'avoir lu, Mimosa en a d'ailleurs élaboré un très subtile.
J'ai été bluffé, à un moment donné, par celui de Marlo qui part d'un jeu neuf et qui, après une série de Faros in et out, s'ordonne en chapelet. L'exercice est très intéressant mais j'en suis maintenant revenu.
Evidemment le chapelet de Juan Tamariz est une référence, surtout qu'avec son nouveau livre Mnemonica, il remet beaucoup de choses en question.
J'ai également un faible pour la démonstration de tricherie de Roberto Giobbi dont le montage peut être appris comme chapelet. Ce qui permet un magnifique final.
En fait, je n'ai pas vraiment de réponse à cette question. Le mieux est d'étudier ceux que je viens de citer et pourquoi pas d'autres, d'en voir les points positifs et les comparer en fonction de ses goûts personnels. Une fois le choix effectué, il est difficile de retourner en arrière. Il ne s'agit donc pas de se tromper !

Lionel : Vous travaillez en ce moment sur la suite des 52 Partenaires. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Claude : Effectivement, Hervé Pigny et moi travaillons sur ce projet depuis maintenant assez longtemps. Ce sera en effet la suite des 52 Partenaires mais tout ne sera pas dédié au chapelet et aux cartes.
Il y aura de nouveaux tours, des améliorations des tours déjà publiés, comme le tour du dé par exemple, et des tours de close-up avec d'autres supports que les cartes. On a voulu que ce soit vraiment varié, agréable et utile même pour les personnes ne s'intéressant pas au chapelet.

Lionel : Une date de sortie est-elle prévue ?

Claude : Le problème, et je plains vraiment Hervé, c'est que lorsqu'il me dit "c'est bon, j'ai fini la description de tel tour", je lui réponds "attends, je viens de modifier ceci ou cela". Alors, on a décidé, car il fallait bien que ça s'arrête un jour, que maintenant, on n'ajoutait plus rien, quoi qu'il arrive. Hervé peut donc se consacrer à l'écriture finale.
On a déjà pris beaucoup de retard mais une chose est certaine, c'est que la sortie sera pour cette année. Enfin, peut-être... (rire)

Lionel : Vous parlez du tour du dé. J'ai lu récemment une publicité d'un marchand de trucs nommant cette routine "Le Dé de Fred Kaps" ? Qu'est-ce que cela vous inspire ?

Claude : Oui, je vois parfaitement de qui tu parles. De toute façon, c'est un tour que tout le monde m'a volé tellement il est bon. Ce marchand vendait effectivement ce tour sous le nom Le Dé de Fred Kaps. Puis, par la suite, il a modifié sa publicité et a précisé "mis au point par Claude Rix." Cela donnait donc le tour de Fred Kaps mais inventé par Claude Rix (rire). Mais, depuis peu, mon nom a de nouveau disparu de son dépliant. Je ne sais pas pourquoi. Puisque tu me poses la question et que tu veux mon avis, c'est peut-être par manque de culture magique ou certainement que les affaires sont meilleures avec le nom de Fred Kaps. N'étant plus là pour le contredire, c'est plutôt pratique. Mais de toute façon, c'est une chose tellement peu importante ! Ce n'est pas ça qui va révolutionner le magie. Et, dans le fond, même quand on truque la vérité, ça ne change pas la vérité. Tout cela est sans importance.
Par contre je tiens à dire que ce tour est effectivement de moi mais avec des perfectionnements de Pavel. Par ailleurs, j'ai mis au point des versions beaucoup plus vicieuses et une version ultime. D'ailleurs, Alexandra Duvivier, après m'avoir demandé l'autorisation, présente une de ces versions dans son spectacle. Cela me ravit.
Les lecteurs de la suite des 52 Partenaires découvriront également une nouvelle version que je crois intéressante.

Lionel : J'aimerais revenir sur Fred Kaps, ce magicien fascine même les plus jeunes magiciens. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre relation avec lui ?

Claude : Il me manque beaucoup et il manque beaucoup à la magie. Au début, je rencontrais Fred à travers des congrès ou des conférences. Par la suite, nous sommes devenu amis grâce à Guy Lammertyn, Flamand d'origine et excellent magicien. Il était très lié à Fred. C'est donc lui qui me l'a présenté en tant qu'ami si je puis dire. Fred parlait parfaitement le français et on passait des week-ends entiers chez Guy.

Lionel : Comment se comportait-il pendant ces réunions ?

Claude : Fred avait un caractère de cochon (rire) ! Quand il avait décidé de ne pas faire de magie, rien ne pouvait le faire changer d'avis. Je me réjouissais souvent à l'avance de ces week-ends et on se retrouvait parfois à passer des jours entiers à jouer au backgammon, un jeu que je déteste mais que Fred aimait beaucoup.
Il travaillait tellement la magie, que parfois, il en avait marre. En plus, il ne voulait pas qu'on l'invite pour la magie. Le meilleur moyen de le voir oeuvrer était de ne pas lui demander.

Lionel : D'où venait son génie ?

Claude : Fred n'a pratiquement rien inventé mais il avait le génie de prendre un tour, de se l'approprier et de le modifier d'une façon telle, que le tour, au départ moyen, devenait merveilleux. C'est une qualité rare. En plus, il avait le sens de la comédie, du jeu avec le public. Il jouait la magie. Ajouté à cela de très grandes mains, ce qui lui permettait d'empalmer un jeu de 52 cartes, une stature charismatique, beau garçon, une technique parfaite et on obtient un génie de la magie.
Ce qui est intéressant, c'est qu'en dehors des tours très pointus qu'il faisait pour magiciens, pour le public profane, il faisait des tours tout à fait abordables, mais d'une façon unique qui le rendait inimitable.

Lionel : Si on doit citer des magiciens contemporains, quels sont ceux qui vous ont le plus impressionné récemment ?

Claude :La question est difficile car je ne pourrais pas les citer tous.
Parmi les gens que je connais bien et qui sont proches de moi, les magiciens que j'estime être les plus créatifs, chacun dans leur style, sont Pavel et Gaëtan Bloom. Je ne comprends pas où ils vont chercher leurs idées ! Ce sont des mines intarissables et leurs idées sont géniales.
Un des magiciens les plus importants pour moi, et depuis très longtemps, c'est mon ami Ludow. Il reste toujours un modèle et je tiens à dire tout le bien que je pense de lui. Il m'a donné une foule de conseils et pas seulement en magie d'ailleurs.
Puisque l'on parlait de créatifs, il ne faut pas oublier Ali Bongo qui est également d'une créativité extraordinaire. C'est en plus une encyclopédie de la magie à lui tout seul. J'admire également Tommy Wonder. Notamment pour sa précision, mais aussi parce qu'il est aussi bon sur scène qu'en close-up, qualité extrêmement rare.
J'aimerais citer aussi Richard Ross, malheureusement disparu, qui était un excellent magicien et un très bon ami.
Puisque l'on parle de scène, le nom de Norbert Ferré me vient tout de suite à l'esprit. Il est exceptionnel. Il apporte vraiment quelque chose de nouveau dans la magie de scène. Son numéro est un modèle du genre. Il combine misdirection, jonglage, mime, comédie, changements de rythme, etc. C'est extrêmement efficace. Maintenant, j'espère vraiment qu'il ira encore plus loin et qu'il réussira le pari, le moment venu, de se libérer de ce numéro, ce qui est loin d'être simple. Norbert a beaucoup de talent.
Pour parler de la magie rapprochée, j'ai la chance de bien connaître le Pape de la magie rapprochée, pratiquant au Vatican de la magie, c'est à dire le Double Fond (rire) ! Je pense évidemment à Dominique Duvivier. Il est incontournable. J'ai vu récemment ses spectacles Intimiste III et IV, il y a là quelque chose de nouveau et original. J'admire vraiment son travail. Par contre, il a un style bien à lui, totalement inimitable et c'est une erreur que de vouloir l'imiter.
De plus, si je peux faire une parenthèse, j'avoue que j'ai horreur du table à table. J'en fait par la force des choses mais je n'aime pas le principe. J'estime que l'on ne fait pas vraiment de magie quand on fait du table à table ou, tout du moins, qu'il est très difficile d'en faire. La plupart des magiciens font du table hopping pour gagner leur vie, mais c'est tout.
Là où Dominique est très fort, c'est qu'il a envoyé balader ce système et a instauré le close-up comme un spectacle à part entière. Les gens se déplacent pour aller voir le magicien faire son show et pas l'inverse.
Rien que pour cela, j'estime que le monde magique devrait lui en être reconnaissant.
Puisqu'on parle de techniciens aux cartes, on ne peut pas manquer de parler également de Bernard Bilis. Il réussi le pari que très peu de magiciens seraient capable de tenir, à savoir faire des tours différents de magie rapprochée, tous les mois, devant des millions de téléspectateurs, et ce, depuis plusieurs années. Franchement, chapeau.
J'ai déjà cité Alexandra Duvivier mais je tiens à dire que non seulement il est rare d'avoir des femmes magiciennes, mais en plus, il rare de voir des magiciennes de talent. Alexandra est une magicienne. Point. Femme certes, mais avant tout, une magicienne. Bravo pour cela. Enfin, un magicien comme Tran, discret mais talentueux, mériterait d'être plus connu.
J'en oublie, c'est certain, mais je ne peux pas citer tout le monde.

Lionel : Quel est l'effet magique que vous préférez ?

Claude : C'est sans aucun doute les gobelets et les muscades que je pratique personnellement surtout dans leur variante orientale : Le Jeu des Tomates. C'est le plus vieux tour du monde qui consiste à illusionner le public avec des objets simples qui, à la limite, pourraient être empruntés. Il en existe une multitude de variantes et je pense que l'on ne peut pas se prétendre prestidigitateur si l'on n'est pas capable d'en faire au moins une.

Lionel : Quel est l'effet magique que vous plait le moins ?

Claude : "Mélangez le jeu. Coupez un petit paquet. Comptez les cartes et, mentalement, divisez le nombre par deux. Si le nombre obtenu est impair, ajoutez un. Regardez dans le gros paquet la carte qui est à ce rang, puis, replacez une moitié du petit paquet sur le gros et l'autre moitié sur le tout..." Je vous fais grâce de la suite car vous connaissez maintenant le genre de magie que je n'aime pas.

Lionel : Aujourd'hui, selon vous, quelle est la meilleure façon d'aborder la magie ?

Claude : C'est à la fois simple et difficile. Une chose est certaine, c'est qu'à mon époque, c'était extrêmement difficile. La littérature que l'on trouvait était démodée. Pas facile après avoir appris les bases dans des vieux livres de se débarrasser de ses acquis pour se mettre au goût du jour. Le milieu était très fermé et très parisien. Trouver des informations étaient vraiment compliqué. Il fallait se débrouiller par soi-même, essayer de trouver soi-même des choses.
Aujourd'hui, c'est l'inverse. L'information est à disposition. Les jeunes font donc face à un genre de difficulté que je n'ai pas connu, à savoir, devoir faire le tri dans la masse d'informations et de techniques disponibles. De plus, ils doivent apprendre à ne pas reproduire stricto sensu ce qu'ils ont appris dans les vidéos. Car le succès immédiat ne dure jamais et est illusoire. Le tout est de réussir à trouver sa personnalité. D'ailleurs, on voit bien que les magiciens qui ont une vraie personnalité émergent.
Il faut donc étudier la technique et faire travailler son cerveau tout en restant soi-même. Un dernier conseil : lisez les classiques. Je passe parfois pour un vieux rabat-joie mais je reste persuadé qu'il est difficile d'avancer sans connaître ses classiques. Donc, ne pas oublier de lire, de découvrir ou redécouvrir les grands classiques du monde magique.

Lionel : Pourriez-vous nous conseiller quelques livres ?

Claude : The Art of Close-up Magic de Lewis Ganson. The Dai Vernon Book of Magic de Lewis Ganson. Modern Coin Magic de Bobo. Ces références peuvent paraître sentimental. C'est en partie exact, car ces ouvrages représentent ma deuxième culture. Mais je pense qu'ils contiennent presque toute la base de la magie de proximité. Peut-être sont-ils un peu démodés, mais les ouvrages modernes ne sont pratiquement que des variantes et perfectionnements de ce qui a été décrit à l'époque.

Lionel : Merci beaucoup, Claude, du temps que tu as consacré pour LSP, on attend avec impatience la sortie prochaine du livre.

Claude : Merci à toi !

 

Reims, le 5 mars 2005

- Publications -

Claude Rix et ses 52 Partenaires, livre, par Hervé Pigny, éditeur Mayette Magie Moderne, distribué par Mayette Magie Moderne ou Claude Rix
Cinq Petites Perles... et puis s'en vont, livre, par Horace, distribuée par Mayette Magie Moderne ou Claude Rix
Les Tomates, vidéo éditée et distribuée par Mayette Magie Moderne ou Claude Rix

- Quelques dates -

2ème prix de manipulation. FISM, Vienne 1958.
Grand Prix. Congrès national à Porto. 1960.
3ème prix de manipulation. FISM, Liège 1961.
2ème prix de micromagie. FISM, Barcelone 1964.
2ème prix de magie générale. FISM, Barcelone 1964.

Interview réalisée par Lionel Gardel - 2005
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