Logo LSP
 
Forum de discussions
Archives des news
F A Q
Les interviews
Les réunions LSP
Compte-rendus
Localisez les membres
Le mag LSP
Les photos LSP
Rechercher sur le site
Les liens
Les tests de Magietest
Les sondages
Biographies
Climagic
Close-Up Monthly

Balles mousse
Cartomagie
Divers
Gobelets
Cigarettes
Pièces
Scène

moc.rf-psl@leufaceb
moc.rf-psl@ilgig
moc.rf-psl@elatnap

 


--.--

Quand on est une femme magicienne, quand son père est lui-même magicien et que l'on partage la scène avec lui. Quand on fait le choix de se lancer dans une carrière magique à 16 ans et que cela fonctionne, on doit certainement avoir des choses à raconter.
J'ai essayé d'en saisir certaines, d'en capter grâce au jeu de l'interview auquel Alexandra Duvivier s'est gentiment prêtée.
Ai-je réussi ? A vous de juger. Bonne lecture.

--.--


Lionel : Ayant un papa magicien, comment s'est passée ton enfance magique ?

Alexandra : En fait, il ne s'est pas passé grand-chose ! Bien sûr, je savais que papa était magicien. Je le voyais en train de faire de la magie, surtout des cartes c'est vrai, un peu de pièces, des gobelets… Mais surtout des cartes.
Ah si, les gobelets, je me souviens bien parce que ça faisait du bruit (Rires). Je le voyais beaucoup avec des amis. Tout le temps avec des copains en train de travailler. Mais en même temps, je percevais déjà bien que c'était plus que du travail. Ils avaient l'air de tellement s'amuser ! Je peux dire que je l'ai vu travailler mon père. Je me levais, il avait des élèves, je me couchais, il était avec d'autres élèves. Sans arrêt, je le voyais travailler.

Lionel : Ça se passait à la maison ?

Alexandra : Oui. C'était à l'appart. Dans le 12è. C'est plein de souvenirs ! Et donc paradoxalement, on pourrait penser que j'ai vu plein de magie, que mon père me faisait plein de tours, etc. En fait pas du tout. Moi, j'étais dans ma chambre avec mes Barbies, avec ma musique. J'étais dans mon monde. Donc, la magie était parallèle. Mais je n'ai pas été baignée dedans parce que je crois que papa a eu la meilleure attitude qu'on puisse avoir pour un père artiste. C'est de ne pas me gaver de magie pour que, si j'ai à m'intéresser à la chose, je le fasse par moi-même.

Lionel : Alors justement, à partir de quel âge la magie est-elle devenue plus qu'un passe-temps ?

Alexandra : C'est venu en 1988, j'avais 16 ans. Avant, je me souviens que je faisais de temps en temps des tours. Des tours simples : j'avais entre 12 et 15 ans. A cette époque, je demandais à papa de me montrer un tour de cartes. Il m'en montrait un et j'allais m'entraîner dans mon coin. Puis un autre, et encore un autre.
Mais tout cela très progressivement. Je me disais qu'avec un père magicien, l'apprentissage aurait pu être simple. En fait non (Rires) ! Papa me considérait comme quelqu'un qui voulait apprendre, mais a procédé comme avec n'importe quel élève. Grâce à ça, il m'a appris à travailler. Tout ne vient pas tout seul, tout cuit. Si ma curiosité avait tout de suite trouvé toutes les réponses, j'aurais vite tourné la page " magie " je pense.
A un moment, je lui dis : " écoute, montre moi plus de tours ! "
Alors là, papa m'a donné son petit bouquin vert, les " Cartomagies années 2001-2002 ". Et j'ai galéré ! Je relisais encore et encore les tours car je ne comprenais rien du tout !
C'est à 16 ans où j'ai pris la décision que c'était la magie que je voulais faire. Et là, papa, m'a montré plein de choses. C'est uniquement à partir de ce moment là que j'ai eu plein d'informations. Des tours et des techniques de Jennings, de Dingle, de Goshman. Plein de choses afin que je ne fasse pas que du Duvivier.
Ça m'a évité de faire du clonage de Duvivier. Même si quelque part, je suis un peu obligée de faire du clonage car je m'appelle Duvivier aussi (Rire) ! Forcément, il y a des choses de Duvivier en moi.

Lionel : Si tu n'avais pas été magicienne, qu'aurais-tu fait ?

Alexandra : Soit j'aurais travaillé dans l'équitation, soit dans l'anglais. L'équitation, j'en ai fait pendant 10 ans. C'était vraiment passionnant. Pour l'anglais, l'avantage en faisant de la magie, c'est que c'est très utile. On peut donc concilier deux passions finalement.
Aujourd'hui je peux traduire mon père, on fait des conférences ensemble, je peux faire mon spectacle en anglais, etc. Tout ce que l'anglais permet de faire… Je trouve ça énorme.

Lionel : Dans quelles circonstances, prends-tu la décision de devenir professionnelle ?

Alexandra : C'est dans le contexte de la FISM en 1988. Papa m'emmène à La Haye en Hollande pour ce congrès. Il y est engagé. Arrive le jour où il fait sa démonstration devant environ 800, 900 personnes. Un truc énorme. Moi, je suis à peu près au milieu de l'amphithéâtre, je vois mon père et ma mère qui le traduit sur scène. Je regarde autour de moi les spectateurs complètement emballés. La routine de gobelets est un vrai succès. Les cartes à la poche, etc. Vraiment les gens étaient fous. J'ai trouvé cette ambiance magnifique. Je me dis dans le même mouvement que si j'étais à sa place, je baliserais complètement. Ce qui a été le cas plus tard (Rires) !
Ensuite, je vois d'autres artistes sur scène. Vito Lupo avec un magnifique numéro chorégraphique, Jeff Mc Bride, Albert Goshman, Max Maven… Je vois Ricky Jay et Jeff Mc Bride dans le hall du théâtre se faisant un concours de cartes boomerang. Plus tard, Ricky Jay, lors d'un dîner dans une pizzeria, fait un tour à papa et je me dis " Ouais ! C'est vachement bien ! ".
Bref, je vois une foule d'artistes avec énormément de talent. C'est grisant. Et tout ça sur une semaine ! Pendant une semaine, tu vis ailleurs. Tu es dans un autre monde. Une espèce de Disneyland permanent avec que de la magie.
Il ne faut pas que j'oublie Lisa Menna. Une magicienne américaine que je vois aussi lors de cette FISM. Elle m'a montré qu'il était possible d'être une femme et d'être une magicienne. Je vois son numéro de close-up où elle fait un changement de costume. En close-up ! Elle sait se servir de sa féminité pour l'intégrer dans sa magie.
La chose phénoménale, c'est que lors de la FISM en 2003 où je suis engagée à mon tour, je vois Lisa Menna dans ce même Palais des congrès. Je vais la voir et je lui dis que c'est notamment grâce à elle que j'ai commencé la magie. Elle était estomaquée. Elle ne me croyait pas. C'était très émouvant.

Lionel : Tu décides donc de faire de la magie ton métier, mais à l'époque, tu étais sûre d'avoir les ressources nécessaires pour réussir ?

Alexandra (très spontanément) : Pas du tout (rires). Rien. Aucune ressource. Mon défaut principal est le défaitisme. C'est " j'y arriverai jamais ", " je suis pas capable ". C'est dans ma nature. Donc est-ce que j'ai les capacités ? c'est clair, net, je te le dis : non.

Lionel : Alors comment on se dit oui c'est finalement peut-être possible ?

Alexandra : Mais je ne me dis ni oui, ni peut-être. Heureusement qu'il y a eu papa qui croyait en moi plus que personne. Évidemment puisque c'est mon père. S'il n'avait pas été là, j'aurais eu envie de faire de la magie mais je ne me serais pas donné les moyens car je serais restée sur le " je suis pas capable ". Et je l'aurais regretté toute ma vie. C'est absolument certain.
Donc papa me dit " Tiens t'as un gala, vas-y ! "
Moi : " T'es fou, du table en table, c'est pas possible ! "
Lui : " Tu m'ennuies, tu y vas et pis c'est tout ! " (RIRES !)
C'est pour ça que depuis que j'ai vu que finalement, la magie, c'était possible pour moi grâce à mon père, je me dis que la danse, c'est peut-être pas impossible non plus. Donc pour moi la magie ouvre plein de nouveaux horizons.

Lionel : Le premier tour au Double Fond, il se passe quand ?

Alexandra : Papa me dit : " Ça serait bien que tu fasses un tour au Double Fond. " Tu imagines ma réaction ! " C'est pas possible ".
Parce que, ce qu'il faut savoir, c'est que pendant que je faisais mon table en table à l'extérieur, il est passé Max Maven, Derek Dingle, Eugene Burger et j'en passe… Et moi, il faut que j'aille faire mes petits tours au Double Fond ? Tu plaisantes (Rires) ! Impossible. Encore une fois, parce que papa savait que c'était possible pour moi, il m'a encouragé à le faire.

Lionel : Tu avais le trac ?

Alexandra : Un trac fou. Une folie. Un trac à te dire, non, je n'y vais pas. De toute façon, je ne peux pas bouger des toilettes (RIRES) ! On ne pouvait pas parler de trac mais de stress. Un stress qui se passe dans la tête, qui t'envahit, qui te paralyse.

Lionel : Si on doit parler des magiciens qui t'ont le plus inspirés, tu me cites qui ?

Alexandra : J'en ai déjà cité quelques uns. Mais si je devais en choisir trois. Je dirais papa, évidemment. Vito Lupo pour la scène et Michael Weber qui est un génie, un magicien brillant. Avocat de métier mais qui a décidé de se consacrer complètement à la magie. C'est incroyable comme décision.
Voilà. Trois noms qui représentent bien des aspects différents de la magie.

Lionel : Te souviens-tu de ton tout premier spectacle seule sur scène ?

Alexandra : Ce n'est pas un spectacle en fait. Ma première confrontation avec un public sur scène, c'était lorsque j'ai fait la présentation du Festival du Music Hall en 1999, Jean-Claude et Carla Haslé, les organisateurs de ce festival, m'ont fait confiance à leur tour.
Je présentais les numéros. C'est totalement différent de la magie bien sûr, mais c'est aussi beaucoup de stress car il faut faire en sorte que tout s'enchaîne bien, que l'ambiance soit agréable, de bien servir les artistes sur scène. C'est une expérience très intéressante, je l'ai faite deux ou trois années consécutives.

Lionel : Tu as renouvelé ce genre d'expériences ?

Alexandra : Oui. La dernière fois, c'était lors de la FISM de 2003 où je présentais le gala de close-up. Je me souviens avoir présenté le numéro de David Williamson (un autre magicien que j'admire beaucoup). Il ne voulait pas que je parle de lui car il est incroyablement humble et très réservé dans la vie. Alors, j'ai eu l'idée d'accrocher à mon manteau des raccoons.
C'est, entre autres, le raccoon qui a rendu célèbre David Williamson. J'en avais accroché une cinquantaine sur mon manteau et je me suis présentée comme ça sur scène. C'était mon hommage à moi.

Lionel : On arrive à des questions clichés. Je m'en excuse par avance mais ça me paraît malgré tout indispensable. Comment as-tu géré les immanquables comparaisons qu'ont dû faire les gens du métier entre ton père et toi ?

Alexandra : Quand j'ai commencé j'avais parfaitement conscience que premièrement, j'étais la fille de Duvivier et qu'en plus j'étais une fille. Il fallait donc que je dépasse tout ça. Je crois que j'ai fait la politique de l'autruche en me disant " ne pense pas à tout ça, fais ce que tu as à faire, et c'est tout ". J'étais trop occupée à gérer mon stress et à essayer de prendre confiance en moi.
Mais bien sûr que je suis consciente de ce phénomène. Pour illustrer ça, il y a quelques jours, après mon spectacle Seule, un spectateur vient me voir en me disant qu'il était venu avec une foule d'a priori genre " elle va faire les tours de son père, etc. ". Et il me dit qu'il a été agréablement surpris, que j'avais su trouver ma propre personnalité. Donc, si lui avait des a priori et qu'il ose me le dire, je sais bien qu'il y en a des centaines d'autres qui pensent la même chose.
Parce que je suis une fille, il faut que je fasse mieux que les autres et parce que je suis la fille de Dominique Duvivier, il faut que je fasse encore mieux que les autres ! C'est sans fin. Donc je pense que la solution d'essayer de ne pas s'en soucier a été la bonne pour moi. De toute façon, sinon, je n'aurais pas pu affronter ça car tout ça me touche beaucoup et me fragilise. Je suis extrêmement sensible et pour me protéger, j'ai préféré ne pas y penser.

Lionel : Alors, autre question cliché à laquelle tu as déjà répondu en partie. Est-ce difficile d'être une femme en magie ?

Alexandra : Les magiciens se plaignent souvent qu'il n'y a pas assez de femmes magiciennes mais regarde par exemple à la FISM en 2003, personne n'a parlé de ma prestation alors que j'étais jury et que je présentais le gala de Close-up. Pas un mot. Le seul truc que j'ai lu, c'est qu'Alexandra est plutôt arrogante… Au moins, il y a eu une critique. Je n'ai pas été invisible aux yeux de celui qui a dit ça.
Dans les revues, partout, on a parlé du gala de Close-up. Pas un mot sur le fait que je le présentais alors que je pense que ça ne s'est pas trop mal passé.

Lionel : Dominique Duvivier a dit que tu lui avais fait découvrir d'autres horizons magiques. Tu confirmes ?

Alexandra : Ça m'a fait très plaisir qu'il dise cela. Je crois que je l'ai pollué positivement sur certaines choses. J'aime bien les choses un peu plus grandes. Plus vastes. Mes envies débordaient du tapis de cartes de close-up. J'étais attirée par la magie de salon. Pour la scène, on s'est pollué positivement tous les deux.

Lionel : Parlons maintenant création. Si j'étais une petite souris (dans la mesure où tu n'en as pas peur) et que je voyais Alexandra travailler ses routines ou ses techniques, qu'est-ce que je verrais ?

Alexandra : Ça se passe dans mon bureau. Dans un petit bordel ambiant avec des objets divers. Qu'est ce que tu verrais ? D'abord pas grand-chose (RIRE), il faut bien l'admettre. Tu entendrais de la musique mais en sourdine, contrairement à papa qui à un moment donné avait tout le temps le casque sur la tête et s'immergeait dans la musique pour réfléchir à ses tours. J'ai du mal à me concentrer quand la musique est trop forte.
Je mets Michael Jackson et j'essaye de m'imaginer sur scène et de voir ce que je pourrais faire sur cette musique. Ça peut être des choses avec des foulards, des changements de costumes, etc.
Ce qui m'inspire aussi, c'est d'imaginer des choses pour les enfants. Par exemple, mon truc avec les bonbons qui s'enclavent vient de ce genre d'inspiration.
Mais je n'ai pas de méthode malheureusement.
Je ne suis pas vraiment une créative. Je m'exprime plutôt dans l'interprétation. Des objets qui vont m'inspirer vont intégrer un tour par exemple.

Lionel : Tu parles souvent de la magie pour enfant. Tu aimes en faire ? Ils ont quel âge ?

Alexandra : Je crois avoir un bon contact avec les enfants. Je leur parle comme à des adultes. Bien sûr, je fais des tours adaptés, visuels et je pense que ça se passe bien.
En ce qui concerne l'âge, je ne sais pas faire les tout-petits. Ça commence à partir de six ans. Là tu n'es plus obligé de leur parler " gnangnan " (rire). Je n'aime pas parler " gnangnan " et prendre les enfants pour plus bêtes qu'ils ne sont. A partir de 6 ans, jusqu'à 12 ou 13 ans. Après, ce sont des adultes.
J'aime faire de la magie pour les enfants.

Lionel : Qu'utilises-tu comme supports ?

Alexandra : Je prends des cartes par exemple. Une carte avec une souris dessinée. Tout le monde participe, c'est super et ensuite, " tac " c'est la seule carte qui est attrapée par un piège à souris.
Très simple pour un enfant.
J'utilise des bonbons, des ballons. C'est marrant les ballons.

Lionel : Comment réagissent les parents ?

Alexandra : Les retours sont bons en général. Les parents ont l'air contents. Ils sont souvent impressionnés que l'on puisse tenir leurs enfants un petit bout de temps en faisant de la magie.

Lionel : En t'écoutant, j'ai l'impression que tu es très sensible aux critiques, à ce que l'on peut dire de toi ou de ton père ?

Alexandra : Oui. Quand je vois à quel point mon père est décrié dans le milieu magique. Quand je vois si peu de reconnaissance, ça me rend malade. En même temps, je ne pense pas que ça touche uniquement le milieu magique. J'ai l'impression que c'est le milieu artistique qui est comme ça. Que font les artistes en général ? Ils se donnent pour le public. Leur but est de se livrer soit sur scène ou ailleurs. Et qu'est-ce qu'en retirent les professionnels ? Des médisances, des attaques personnelles, des remarques aigries, méchantes. Ça me sape vraiment le moral.

Lionel : Avec le temps, ça continue à te toucher ?

Alexandra : Je dirais même que c'est pire. Avant ça me touchait moins je pense. Les quelques déboires, si je puis dire, qui nous sont arrivés ne m'ont absolument pas blindée. C'est comme une brûlure qui a un peu cicatrisé mais qui reste encore très sensible.

Lionel : Pour revenir à ton actualité, tu joues en ce moment un spectacle en duo, avec Dominique Duvivier, Tous Debout. Comment as-tu travaillé avec ton père sur ce spectacle ? Comment la collaboration s'est construite ?

Alexandra : Ça c'est une fierté. J'ose utiliser le mot pour une fois car c'est vrai que jusqu'à présent, c'était plutôt mon père qui était à l'origine de tout ce que j'ai fait. Par exemple sur Seule, papa me dit un jour qu'il faut que je fasse un one woman show. Je te passe les discours sur " j'en suis pas capable " et donc, je m'assois au bureau et papa me demande " qu'est-ce que tu veux raconter dans ton spectacle ? "
On parle un peu et ensuite, papa écrit des choses pendant des heures et des heures. Et un beau jour, il me tend une feuille. C'était le synopsis de Seule.
Bien sûr, j'ai eu mon mot à dire, j'ai mis des choses personnelles dedans mais ça reste quand même papa qui a fait le travail.
Par contre, on peut écrire sur Tous Debout, mis en scène et écrit par Alexandra et Dominique Duvivier. C'est vraiment du 50/50.

Lionel : Au quotidien, comment s'est passée la construction de ce spectacle ?

Alexandra : On est dans le bureau. Et on se dit " Qu'est-ce qu'on aimerait faire ? ". A force de discussion ensemble, des idées commencent à germer.
Comme dans Magie de Père en Fille, on faisait des choses ensemble, un duel avec des cartes notamment, on a eu l'idée de pousser ce concept. C'est comme ça que l'idée du tour " Le final à quatre mains " est née par exemple. On avait juste le concept. Pas le tour. Alors, on s'est dit qu'on avait qu'à faire une main chacun. Pour lier ces deux mains, un mannequin serait une bonne idée. On a choisi un tour de cartes dans le répertoire de papa : " quatre as parfaits " et voilà, on avait notre tout premier tour de Tous Debout. C'était d'ailleurs pas évident à monter car papa est gaucher ce qui a compliqué les choses. On a dû adapter les techniques du tour pour qu'il puisse être réalisable à deux.
Il y avait donc une émulation. On s'inspirait l'un l'autre. Tout s'est construit suivant le même principe.

Dominique Duvivier souhaite intervenir avec l'accord de sa fille et ajoute :

Dominique : Je ne sais pas si je peux intervenir. Mais un point me semble important dans cette histoire, c'est qu'on a toujours privilégié l'effet à la personne. C'est-à-dire qu'on a essayé de tirer tout ce qu'il était possible de tirer de l'idée que l'on avait eue ensemble. Jamais les questions de savoir si on allait voir plus untel qu'unetelle, si l'un serait mieux que l'autre… ne se sont posées. Le pôle d'attraction, le seul, c'était l'effet.
Être au service de l'effet et c'est tout.

Lionel : Le spectacle tel qu'il est construit actuellement te convient-il parfaitement ?

Alexandra : Il a bougé il n'y a pas longtemps. On est toujours à l'écoute des critiques, des remarques. Une personne nous a dit il y a peu que notre spectacle était bon mais qu'au début, le premier effet magique n'intervient qu'au bout d'un quart d'heure. Même si ce premier quart d'heure est hilarant selon lui, ça faisait tout de même un peu long.
Comme on a trouvé que cette critique était pertinente, on a modifié le début pour faire intervenir la magie plus tôt dans le spectacle.

Lionel : C'est ce que vous appelez spectacle vivant ?

Alexandra : Dans un sens oui. Notre but, c'est que les gens passent un bon moment. Qu'on puisse les faire rire et passer aussi par différentes émotions. La chose nouvelle pour nous, c'est qu'on termine volontairement le show sans magie. On pensait qu'il était plus important pour le public de sortir du spectacle en étant écroulé de rire plutôt que de faire un tour qui les laisse médusés en ayant l'air de dire vous voyez comme on est vachement fort !
Le but ultime étant de passer un bon moment avec les spectateurs, d'essayer de faire oublier leurs soucis pendant une heure et demie, en oubliant aussi les nôtres. Tout cela en passant par différentes émotions avec comme outil, la magie.

Lionel : Parlons de ton spectacle au Double Fond appelé Seule. Pourquoi ce titre ?

Alexandra : Il y a plusieurs raisons. Mais l'une d'elles est que tous les magiciens me connaissaient en duo avec mon père et ne pensaient pas me voir seule sur scène, sans papa comme béquille. On pourrait caricaturer le titre en disant Enfin Seule.
Par ailleurs, ça nous a fait rire car il y avait aussi une autre interprétation possible dans le genre seule en tant que célibataire. Mais ça, c'est pour rire.

Lionel : Seule est ton premier spectacle solo. Tu disais tout à l'heure ne pas te sentir capable de plein de choses. Avec le recul, tu penses quoi de cette étape fondamentale ?

Alexandra : Franchement, ça m'arrive rarement de me sentir fière. Mais là, je le suis. Même si c'est un détail, parfois, j'arrive à faire lever les gens à la fin du show. Qu'est-ce que tu veux de mieux que ça ? Une standing ovation. Tu te rends compte ? Ce n'est évidemment pas ce que je recherche mais je me dis que si les gens se lèvent, ça veut dire quand même qu'ils sont contents.
De plus, depuis que je fais Seule (depuis avril 2001), je me sens un peu plus capable. J'ai toujours peur mais moins qu'avant. C'est d'ailleurs grâce à l'expérience de Seule qu'on a pu faire Tous Debout.
Je suis super contente de ce spectacle. Grâce à ça aussi, Yves Doumergue m'a invité à venir à Lyon jouer le spectacle en novembre 2002. Je l'ai fait deux fois et le public a été extraordinaire.

Lionel : Tu as l'air heureuse aujourd'hui de jouer. A un moment, ton niveau de stress était tel qu'il t'a donné envie de renoncer ?

Alexandra : Avant Seule, jouer était une vraie torture. Mais je n'ai jamais pensé à renoncer. Le stress m'empêchait de faire ce que je voulais. A un moment donné, je me suis dit, si j'en suis après plusieurs années de magie, à me stresser toute seule comme une folle pour en arriver à rater des tours, ce n'est pas possible. Je me suis dit qu'il fallait que je trouve une solution.
Ça pouvait effectivement passer par le fait d'arrêter mais je n'avais pas envie. Je n'avais pas envie non plus de passer ma vie aux toilettes avant un spectacle, c'était pas possible (rire) !
C'est venu petit à petit mais quand tu commences à avoir ce genre de réflexion, tu réalises qu'il faut vraiment que tu arrêtes de te martyriser.
Aujourd'hui, je peux dire que j'ai peut-être pu réussir à vaincre le stress. C'est génial car maintenant je suis contente d'être sur scène. C'est devenu un vrai bonheur.
J'ai le trac. Mais j'ai réussi à gagner en confiance. Sur ce point, j'ai vachement progressé.

Lionel : J'ai cru comprendre que tu préparais Seule 2. Est-ce que ça va être, au niveau de la mise en scène, un spectacle 100% Alexandra ?

Alexandra : Je sais que ce ne sera pas un spectacle 100% Alexandra puisque, mon père et moi, travaillons ensemble. Je vais essayer de faire le maximum de ce que je pourrai.

Dominique : Si je peux faire une remarque. En ce qui concerne Seule, c'est vrai que c'est moi qui l'ai écrit au départ. Par contre Alexandra a amené une foule de détails qui fait que c'est devenu petit à petit son spectacle.
Pour Seule 2, ça va être différent. On va l'écrire ensemble.
A mon avis, ce sera Seule 3 qui sera à 100% Alexandra. Quelque part, c'est un parcours obligé.

Lionel : La date de sortie de Seule 2 est déjà fixée ?

Alexandra : soit avril, soit octobre 2005. J'opterais, pour octobre, ça va de soi (rire). Mais Adeline, notre agent, pousse toujours au plus court !

Lionel : Si on comparait un spectacle de magie à une pièce de théâtre. Les tours seraient les textes et la mise en scène le lien entre les tours et la motivation dans leur réalisation. Dans ces conditions, ne penses-tu pas alors qu'un metteur en scène extérieur à la magie pourrait apporter quelque chose d'intéressant dans le déroulement d'un spectacle magique ?

Alexandra : Il faut à mon sens que le metteur en scène soit ouvert et qu'il s'adapte à la magie.
Le problème d'un réalisateur, c'est que souvent il ne comprend pas les besoins magiques. C'est pourquoi on a pris l'option de se mettre en scène nous-même. On arrive à avoir un certain recul pour voir ce qui peut fonctionner ou pas.
De plus, on s'adapte au jugement suprême : celui du public.
Par exemple, papa, pour Intimiste 1, après quelques représentations, sentait que quelque chose n'allait pas, que ça ne fonctionnait pas comme il le voulait. Pour finir, le titre a été gardé mais il a tout changé dans le spectacle.
Je ne dis pas non à un metteur en scène extérieur, mais on peut voir plus qu'un autre ce qui colle et ce qui ne colle pas. Forcément, le réalisateur extérieur apporterait une autre vision mais nous n'avons pas eu l'occasion d'être confrontés à cette situation pour l'instant.

Lionel : Des erreurs sur scène, ça arrive ? C'est si catastrophique que ça ?

Alexandra : Une erreur peut arriver à n'importe quel moment. Même si j'en ai moins peur ou même quasiment plus peur du tout aujourd'hui, je sais que ça peut arriver.
Catastrophique ? Ça dépend de l'erreur je pense. Mais en gros, non, ce n'est pas la catastrophe.

Dominique : Ça nous est arrivé il n'y a pas si longtemps. A un moment donné dans Tous Debout, il faut que Sophie, notre assistante sur ce spectacle, fasse un truc vraiment important pour le bon déroulement d'un tour. Elle est, elle aussi, tellement stressée pendant le show, que cette fois, elle a tout simplement oublié de faire la chose en question. D'un seul coup, Alexandra et moi nous regardons sur scène, on réalise que Sophie a oublié et tout à coup une grande solitude nous envahit (RIRE). Ce qui est génial, c'est que nous avons tous les deux réagi et franchement, je me demande encore si les spectateurs ont vu qu'il y avait un truc qui clochait.
Je suis fier d'Alexandra et de nous deux car moi aussi, je ne m'attendais pas à ça et donc forcément, ça déstabilise. Finalement on s'en est sorti.

Alexandra : Tu vois, ce dont je suis fière, c'est que mon père soit fier de moi. Car c'est quand même Dominique Duvivier et je le pense suffisamment détaché pour dire vraiment le fond de sa pensée. Alors quand il me dit " je suis fier de toi ma fille ", c'est comme si le public se levait devant moi.

Dominique : Je ne suis pas quelqu'un qui fait des compliments. Ce n'est pas que je n'aime pas en faire mais simplement, je n'en fais pas. Quand j'en fais, ce ne sont pas des compliments, c'est plutôt une constatation d'un état de fait. De mon point de vue, Alexandra, lorsque nous travaillons sur scène ou en dehors, ce n'est pas ma fille. C'est comme si je travaillais avec Bloom, avec Sanvert ou autre. C'est pareil. Il faut que ce soit pareil, sinon, je ne pourrais pas fonctionner.

Lionel : Quels sont tes projets à court terme et à plus long terme ?

Alexandra : Un nouveau module plus court, d'une heure : un mixte de Seule 1et de Seule 2 pour pouvoir me mettre le pied à l'étrier progressivement pour le deuxième volet.
Sinon, à plus long terme, bien sûr, Seule 2 ainsi que la sortie de DVD dans lesquels je figure : les suites de l'Ecole de la magie. Travailler sur plus de créations personnelles.

Lionel : Avant cette interview, je t'ai envoyé le questionnaire de Proust. Veux-tu te prêter à ce jeu un peu difficile ?

Alexandra : Oui… Très difficile (rires). Mais on peut y aller.

Ma vertu préférée : la fidélité, qu'elle soit en amour, en amitié dans les relations de travail ou dans la vie quotidienne.

Le principal trait de mon caractère : comme je ne savais pas quoi répondre, j'ai posé la question à mon entourage. Il en est ressorti la gentillesse, mais ce n'est pas moi qui le dis (Rire).

Mon principal défaut : Le défaitisme fait partie de ma nature.

Ma principale qualité : Les mêmes personnes que pour la seconde question ont répondu la franchise, la grandeur d'âme et à l'écoute des autres. Non, je ne les ai pas payées !

Mon occupation préférée : Passer un bon moment en faisant du shopping, regarder un film, rire, lire un livre.

Mon rêve de bonheur : Ne plus me créer de barrières. Avoir dix spectacles à mon actif. Agrandir ma famille d'un compagnon et d'un bébé.

Quel serait mon plus grand malheur : être paralysée.

A part moi-même qui voudrais-je être : une femme combative, pleine de ressources, qui donne sans compter.

Où aimerais-je vivre : Là où je vis, près des miens.

La fleur que j'aime : La fleur au nombre de pétales qui finit par " à la folie ".

L'oiseau que je préfère : Tous car ils savent faire ce que l'homme a toujours rêvé de faire : voler.

Mes héros dans la fiction : Peter Pan, Fada, un personnage de Jerry Lewis, Achille Talon, Johnny, du film Francky et Johnny, Cyrano de Bergerac.

Mes héroïnes favorites dans la fiction : Satine dans Moulin Rouge, Amélie Poulain, Black Mamba (Kill Bill), Julie Christie dans le docteur Jivago. Elle me rappelle une personne pas du tout fictive, ma maman. Pour moi ces deux femmes représentent la douceur, l'amour inconditionnel, la patience, la dévotion. Tout ce à quoi j'aimerais ressembler.

Mes compositeurs préférés : François de roubaix, Beethoven, Barbara Streisand, Madonna, Michael Jackson, Claude François, Sting, Brel et tant d'autres.

Mes héros dans la vie réelle : Mon père. Une ténacité d'acier, un optimisme et une acuité de jugement incroyables. Jerry Lewis. Il a créé tant de choses. Le don de soi est sans conteste son moteur. Tim Burton. Un univers rien qu'à lui. Barjavel. Magicien du mot.

Mes héroïnes dans la vie réelle : Des femmes battantes et inventives : Madonna, Isabella Rossellini, Vanessa Paradis, Jodie Foster, Marilyn Monroe, Barbra Streisand et enfin ma mère.

Ma nourriture et boisson préférées : le sucre sous toutes ses formes. Gâteaux, friandises, chocolat. Et l'eau.

Ce que je déteste par dessus tout : Les gens méchants.

Les faits historiques que je méprise le plus : Tous les holocaustes.

Le don de la nature que je voudrais avoir : Etre musclée sans faire de sport.

L'état présent de mon esprit : Dieu que ce questionnaire est dur.

La faute qui m'inspire le plus d'indulgence : L'ignorance.

Ma devise : une pour chaque jour de l'année.
Aujourd'hui, c'est " vivre intensément ", hier c'était " donner, donner, donner " et demain ce sera celle de Jacques Brel :
" Je vous souhaite des rêves à n'en plus finir et l'envie furieuse d'en réaliser quelques uns.
Je vous souhaite d'aimer ce qu'il faut aimer et oublier ce qu'il faut oublier.
Je vous souhaite des passions.
Je vous souhaite des silences.
Je vous souhaite des chants d'oiseaux au réveil et des rêves d'enfants. Je vous souhaite de résister à l'enlisement, à l'indifférence, aux vertus négatives de notre époque. Je vous souhaite d'être vous. "
Jacques BREL.

Lionel : On ne peut pas trouver mieux pour conclure cette interview. Merci beaucoup !

Alexandra : Merci Marquis (rires) ! Grâce à toi et à ta passion débordante pour notre Art, j'ai pu m'exprimer différemment. Tes questions m'ont beaucoup apporté.
J'ai été très honorée de faire l'objet de cette interview. M-E-R-C-I.

Crédits photographiques : Le Double Fond, Zakary Belamy, Pierre Schwartz.
Tout droit réservé © .

 

Contient des vidéos de magie © LSP 2003-2007